On le sait tous : la durée idéale pour un chanson, c’est 3 minutes et 40 secondes.
Mais pourquoi ? Qui a édicté cette règle, et au nom de quoi devrions-nous, nous créateurs, la respecter ?
Je vous dis tout sur la dictature du chronomètre.
Car la durée typique d’une chanson n’est pas (que) le fruit du hasard : elle est le résultat de plusieurs facteurs historiques, techniques, et psychologiques !
Un peu d’histoire
La préhistoire de l’enregistrement sonore
On va remonter aux origines de l’humanité : le 78 tours ! Ça se passe au début du 20e siècle. Les premiers supports d’enregistrement (après les rouleaux à exemplaire unique), ce sont les disques 78 tours.
Le même système que les vinyles des DJ actuels : une galette de vinyle pressée entre deux moules qui imprimaient les sillons. Génial ! Seulement voilà : ces disques ne pouvaient contenir que 3 à 4 minutes de musique par face en raison de leurs limitations physiques.
CQFD : le format 3’40 était né !
L’apparition du 45 tours
Après la Seconde Guerre Mondiale arrive le 45 tours, qui offre un peu plus de souplesse : on dispose d’environ 8 minutes par face… et pourtant, le format persiste ! Au lieu de se dire qu’on a 8 minutes par chanson, on préfère mettre deux chansons de 3’40 ! Bizarre, non ?
Idem pour les « albums 33 tours », dont la durée par face est de 25 minutes : on préfère y mettre 5 chansons plutôt qu’une seule œuvre…
…et là on se dit qu’il y a un truc avec ces fameuses 3’40 !
La réponse se trouve du côté des diffuseurs !
La radio !
La programmation radio
A l’époque, la radio occupe une place prépondérante dans la vie des français. Elle est partout : dans les foyers, dans les voitures avec les autoradios, et même sur les nappes à carreaux des pique-nique avec les « postes à transistor » !
Or les stations de radio ont toujours favorisé les chansons plutôt courtes : cela leur permettait de diffuser plus de titres, de maintenir l’attention des auditeurs, et surtout de caser des publicités entre les chansons !
Le Top 50, sinon rien !
Plus tard, voilà qu’arrive le format « Top 50 ».
Le Top 50, c’est devenu la référence des ventes pour les artistes. Et elle restera marquée par les mêmes contraintes :
Plus une chanson était courte, plus elle avait de chances d’être diffusée fréquemment !
3 à 4 minutes étant la durée idéale.
Alors c’est juste une histoire de gros sous ?
Tout ça est un peu tristounet, non ? Attendez la suite !
Et l’auditeur dans tout ça ?
Évidemment et heureusement, d’autres facteurs interviennent. Et naturellement, le plus important, c’est l’auditeur, avec sa physiologie, sa psychologie et son esthétisme.
La capacité d’attention
Psychologiquement, la capacité d’attention d’un auditeur pour une chanson sans qu’il ne se lasse est limitée.
Limitée à… 3 à 4 minutes ! Tiens, tiens…
Des études très sérieuses ont été effectuées pour établir LA durée idéale (il faut dire que des enjeux financiers importants sont dans la balance) et le gagnant est… 3’40 !
Chiffre confirmé par la statistique puisque c’est autour de ce chiffre magique que se réalisent les plus grosses ventes !
Accessoirement, et artistiquement parlant, cette durée est suffisamment longue pour développer une idée musicale complète, tout en étant suffisamment courte pour maintenir l’intérêt de l’auditeur.
La structure de la chanson
Bon finalement, ça nous arrange un peu, nous les auteurs-compositeurs, puisque la structure classique de nos modestes chansonnettes (couplet-refrain-couplet-pont-refrain) s’adapte bien à cette durée.
Cela permet d’introduire des éléments répétés et mémorisables sans que la chanson devienne répétitive ou ennuyeuse. Du gagnant-gagnant !
Business is Business
Après cette brève incursion du côté de l’humain et de l’artistique, revenons au business !
Standardisation
Avec l’évolution de l’industrie musicale, la norme de 3 à 4 minutes est devenue un standard pour les singles. Les maisons de disques ont donc privilégié ce format qui répondait aux attentes du public, des radios, et des artistes. Difficile d’y échapper !
Même si Sylvie Vartan et Carlos s’en affranchissent dans le savoureux « 2mn35 de bonheur » qui dure…2mn05 !
Formats de diffusion numérique
Oui mais… avec l’avènement du numérique, les limitations techniques des supports physiques ne s’appliquent plus ! Alors..?
Et bien pourtant, cette norme persiste ! Il faut dire qu’elle a prouvé son efficacité pour capter et maintenir l’attention des auditeurs. On n’en sort pas, je vous dis !
Trop long, trop court ou dans les clous ?
Alors bien sûr, aucune loi ne vous interdit de vous affranchir de ce standard (sauf peut-être chez nos amis tchétchènes : voir cet article !). Et certains artistes ne s’en privent pas ! Mais il s’agit souvent d’un choix artistique assumé plus que d’une ignorance de la règle.
Et là, deux options s’offrent à vous : soit (nettement) plus long, soit (nettement) plus court.
Chansons longues
C’est souvent dans les les genres progressifs ou expérimentaux qu’on trouve des durées déraisonnables, qui permettent à l’artiste souhaite d’explorer des idées plus complexes… et souvent un peu ennuyeuses !
Chansons courtes
À l’inverse, des chansons très courtes peuvent être percutantes et efficaces, souvent rigolotes. Mais là encore, attention : elles sont souvent perçues comme incomplètes si elles ne suivent pas une structure narrative ou musicale solide.
En conclusion
3 minutes et 40 secondes !
C’est la norme qui s’est imposée historiquement en raison de contraintes techniques, de la structure de la radio, et surtout… de la préférence des auditeurs !
Mais pas que… Ce format laisse suffisamment de place pour s’exprimer tout en restant accessible et facilement mémorisable.
Donc, sauf à avoir une intention artistique particulière, c’est un cap à avoir en tête au moment d’écrire votre opus.
Je vous conseille même de viser plus court : le temps dans une chanson, c’est comme le sel dans la cuisine : c’est toujours possible d’en ajouter… En enlever, c’est une autre histoire !
Alors prenez du bon temps (3’40), et…
Vive la Chanson !
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