Un canon, c’est canon !
Je ne sais pas pour vous, mais moi, je trouve qu’il y a une certaine magie dans le canon : cette petite mélodie qui monte, qui monte, et qui d’un coup commence à se mordre la queue, puis à se chevaucher elle-même en spirale pour créer toute une harmonie ! C’est magnifique !
Quand on parle de canon, on pense toujours « musique pour enfants » ou « musique classique ».
Mais un canon c’est bien plus que cela : placer un canon au détour du refrain d’une chanson pop va vous assurer un « Effet Waouh! » garanti !
Le secret pour fabriquer un canon
Depuis toujours, j’ai rêvé d’inventer mon propre canon. Mais voilà, comment faire ? C’est une grande interrogation. Inventer une chanson, ça, je sais faire. Mais comment faire pour que les voix s’entremêlent les unes avec les autres, c’est un grand mystère !
Eh bien, pas du tout ! Il y a un secret : une recette toute simple, et vous savez quoi ?
Je vais vous la dévoiler, pas plus tard que tout de suite !
Et vous allez pouvoir l’expérimenter, même si vous êtes un compositeur novice.
Le canon : une arme à double canon ?
Un canon, en chanson, peut être décliné de deux façons : soit comme une entité, soit en tant que refrain d’une chanson.
Le canon en tant que tel
On peut simplement faire un canon pour lui-même. Une chanson à part entière.
Le canon le plus connu est « Frère Jacques ».
On pourrait aussi citer « Maudit sois-tu carillonneur », ou « Le coq est mort ».
Ou encore « Vent frais, vent du matin », « Makotoudé », « Ô bruit doux de la pluie », ou « Le canon de N.O.Ë.L. des Versini ».
« Clémentine » (générique du dessin animé du même nom), est un bon exemple de ce que peut donner un canon avec une orchestration moderne (même s’il date des années 80 !).
Il ne vous aura pas échappé que tous ces canons s’adressent aux enfants. Alors, le canon est-il un style puéril ?
Pas du tout : vous pouvez aussi utiliser un canon comme refrain d’une chanson.
Regardez ça !
Le canon comme refrain d’une chanson
Là, croyez-moi, vous allez scotcher votre public !
Dans ce cas, le refrain (qui est en réalité un canon) est chanté mine de rien en voix simple tout au long de la chanson : il attend son heure pour se déployer à la fin. Et là, c’est l’extase !
L’auditeur, qui n’a rien vu venir, est emporté par le tourbillon du canon. Exemple : Alain Souchon et Laurent Voulzy dans « RAME » (même si le coquinou a un peu triché sur « on t’mène en bateau », c’est le cas de le dire) !
Pour en savoir plus sur la chanson de Souchon, cliquez ici.
Le canon, mode d’emploi
Pour comprendre comment on fabrique un canon, nous allons disséquer le plus connu d’entre eux : « Frère Jacques ».
Vous allez voir que c’est très simple !
Commençons par l’accompagnement.
Les accords du canon (l’accompagnement instrumental)
Le canon repose sur un anatole, c’est-à-dire une suite d’accords simples qui tournent en boucle (pour en savoir plus sur les anatoles, lisez cet article).
« Frère Jacques » utilise le plus simple des anatoles : la « tonalité » est do, et les accord sont toujours do et sol.
Un accord de do, c’est de gauche à droite :
Un « do » : la « fondamentale », la note de base de la tonalité de do.
Un « mi » : la « tierce », parce qu’elle est la troisième note en partant du do
Un « sol » : la « quinte », parce qu’elle est la cinquième note en partant du do.
Ça va nous servir pour la suite.
Voici pour information l’accord de sol au clavier.
Les accords de « Frère Jacques » sont
« do sol do do do sol do do »
Ça correspond aux huit syllabes de :
« frè re jac ques frè re jacq ques »
Et voilà ce que cela donne en tablature guitare.
Si l’on résume dans un petit tableau, ça donne ceci :
La mélodie du canon (ce que l’on chante)
La première voix : (frère Jacques, frère Jacques)
Chaque note tombe sur un temps, de façon régulière : ce sont des noires. On démarre la mélodie sur le do qui est la fondamentale :
do ré mi do, do ré mi do.
Cette mélodie a trois caractéristiques :
1) Elle démarre sur la fondamentale : do
2) Le rythme est « à la noire » c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’effet rythmique : une syllabe sur un temps, et c’est tout.
3) Elle a un tout petit « ambitus » : c’est-à-dire qu’on reste sur 3 notes voisines : do, ré, mi, et c’est tout : pas question de grandes envolées. Voilà ce que donne la partition (en notation anglo-saxonne)
Les accords sont écrits dans les petits carrés au-dessus de la partition.
La deuxième voix : (dormez-vous, dormez-vous)
Rien de plus simple : c’est la même que la première voix, mais « à la tierce ».
C’est-à-dire qu’on va reprendre les mêmes notes, mais deux touches plus à droite sur le clavier.
On rejoue la même phrase musicale, mais en la commençant par un mi :
mi fa sol (mi), mi fa sol (mi).
(comme on n’a que trois syllabes, il y a un « mi » qui passe à la trappe)
Voici la partition :
on reconnait les mêmes notes, deux « lignes » plus haut.
La troisième voix : (sonnez les matines, sonnez les matines)
Toujours aussi simple : on démarre cette fois-ci à la « quinte », donc le « sol », et on s’autorise une petite liberté : on accélère (à la croche) et on monte dans les aigus. Bref, on se lâche un peu !
Voici la partition, qui démarre encore « deux lignes » plus haut.
La quatrième voix : (din’ ding dong, din’ ding dong)
Pour finir, on chante simplement les fondamentales des accords (ceux qu’on retrouve dans les petits carrés de la partition).
do sol doo, do sol doo
Voici la partition :
le din’ ding dong final !
Le tour est joué !
Mettons toutes les voix ensemble
Si vous regardez le tableau verticalement, vous voyez que chaque mélange des 4 voix donne une harmonie juste : cela s’est fait tout seul, et ça fonctionne à tous les coups !
Retournez écouter la chanson de « Clémentine », et vous verrez qu’elle est faite sur le même schéma exactement ! Comme tous les canons d’ailleurs, même si certains font apparaître ces quatre voix dans un ordre chronologique différent.
Le canon : à vous de jouer !
A présent, un petit jeu : je vous donne la première voix d’un canon, et vous allez composer le reste seul.e. Oui, oui, vous pouvez le faire !
Pour cela, munissez-vous d’un papier et d’un crayon. Faites-le, c’est facile !
Bien sûr, si vous avez un clavier ou un instrument, utilisez-le.
Vous n’avez pas de clavier ? Cliquez ici : c’est un clavier gratuit en ligne.
Petit rappel avant d’attaquer
Vous vous souvenez de ça :
« fondamentale » (do),
« tierce » (mi)
et « quinte » (sol) ?
Oui ? Alors on y va !
L’anatole de base
C’est une suite de quatre accords dédoublés.
A la noire, ça fait : do do do do sol sol do do
la « fondamentale » est do.
Voici la première voix
Elle démarre sur la fondamentale :
do ré mi mi ré mi doo
Vous pouvez la jouer deux ou trois fois pour l’avoir dans l’oreille.
Trouvez la seconde voix
Facile : on démarre sur la tierce (donc le mi) et on « recopie ».
A vous !
Trouvez la troisième voix
On démarre à la quinte (le sol), en s’autorisant cette fois-ci des variations.
A vous !
Pour finir, la quatrième voix
Elle reprend tout simplement les notes fondamentales de l’anatole !
Allez-y !
Vous avez trouvé ?
Inscrivez votre réponse en commentaire ! Je vous dirai si vous avez vu juste !
Pour aller plus loin
Maintenant que vous avez la recette, vous pouvez créer de A à Z votre propre canon :
1) Prenez un anatole simple (il y en a dans cet article)
2) Faites une petite mélodie dessus en partant de la fondamentale
3) Faites la deuxième voix en « recopiant » à la tierce
4) Faites la troisième voix (plus librement) à la quinte
5) Faites la quatrième voix : les notes de l’anatole !
6) mettez des paroles
C’est pas canon, ça ?
Que faire de votre canon ?
Ça y est : vous tenez votre canon ! Il ne vous reste plus qu’à choisir ce que vous voulez en faire : soit un canon à part entière, soit le refrain d’une chanson.
Dans les deux cas, ne grillez pas vos cartouches !
Si vous optez pour un simple canon
Pour un canon simple, répétez votre petite chanson de quatre thèmes deux fois en boucle.
Lors de la troisième itération, lancez le canon en faisant reprendre chaque groupe de voix successivement. Et votre harmonie va s’épanouir
Si votre canon est le refrain d’une chanson
Si votre canon est destiné à être le refrain d’une chanson, réservez-le pour le dernier refrain.
Cela maintiendra le suspense et assurera l’« effet Waouh! ».
Cliquez ici pour voir comment Alain Souchon a procédé dans « Rame ».
Vous avez tout en main pour mettre le feu aux poudres!
Bonne création !
Vive le son du canon, et Vive la Chanson !
J avoue que je ne connaissais pas tout ça. Merci c est très intéressant.
Merci pour ton commentaire ! Cela m’a étonné moi-même en étudiant la question : quasiment tous les canons utilisent au fond la même recette !
waw c’est très bien expliqué ! J’ai frères Jacques dans la tête maintenant 😅
Ha ! Ha ! C’est vrai que Frère Jacques est un peu envahissant parfois ! 😀
Whaow!!! Merci pour ce décryptage. Je crois bien que cette semaine, je vais aller rechercher ma flûte alto pour m’essayer sur mon premier canon.
Alors ça c’est une bonne idée ! Avec ses attaques de notes plutôt douces, la flûte est un instrument qui se prête bien à ce genre d’exercice.
Super article ! Je n’y connais rien en musique, mais tu arrives à expliquer de manière claire et passionnante, j’ai pris bcp de plaisir à apprendre toutes ces choses sur les canons 🙂
Merci Jessica pour ce gentil commentaire ! L’avantage du canon, c’est que plus c’est simple, mieux ça fonctionne ! De quoi désespérer les spécialistes 🙂 !
J’adore ton article, ça donne envie d’aller plus loin en musique et en chant.
J’ai fait un stage de chant et nous avons chanté en canon, je ne connaissais pas auparavant, j’ai commencé le piano il y a un an, je vais essayer ton exercice.
seconde voix : mi fa sol sol fa sol mii
troisième voix : sol la si si la si sool
quatrième voix : do ré mi mi ré mi doo
Bravo d’avoir joué le jeu !
Je suis ravi en outre que tu aies utilisé les « mii » pour représenter le « mi » blanche : en effet je n’avais pas donné le mode d’emploi, et j’étais curieux de voir si c’était compréhensible ! Allez, on regarde ta production !
Ta seconde voix est parfaite !
La troisième voix est juste aussi, même si tu aurais pu explorer plus librement d’autres notes, et remplacer tes « si » par des « do ».
La quatrième voix : tu as repris la première voix. C’est juste, mais tu aurais pu prendre simplement les fondamentales des accords, soit « doo doo sool doo »
Si tu as compris ce que je viens d’écrire, félicitations ! Parce que ce n’est pas facile de parler des notes sans les jouer !
Je pense que j’ai compris. Je vais essayer de jouer comme tu me proposes. Merci !
Super ton article avec le canon. J’ai beaucoup aimé même si je n’y comprends rien en solfège. Merci je conseille ton article.
Merci Béatrice pour ce gentil retour ! Le solfège, ce n’est pas obligatoire ! Pour la guitare, qui s’apprend plus en terme de positions de doigtés que de noms de notes, c’est même tout à fait facultatif ! 🙂
Il est géniale ton article et c’est très bien expliqué et compréhensible. Là, je n’ai pas le temps, mais ne je manquerai pas de tester un « canon ».
Merci pour ton commentaire. Je suis ravi que cela te semble compréhensible : avec ce genre de sujet, on a vite fait de glisser dans le charabia !
Sans avoir de connaissance technique, j’adore les canons …
Petite, certaines de mes enseignantes nous avaient fait justement travaillé frère Jacques si ma mémoire est bonne 😅
Ton article est canon lui aussi 💪
Merci Dominique pour ton témoignage! En effet, les canons sont très pratiqués dans les chorales des écoles maternelles et élémentaires : c’est la façon la plus simple et la plus pertinente d’aborder le chant polyphonique. Merci pour ta petite blague qui m’a fait exploser 💥 de rire !
Comme j’aime les exercices je me suis aventurée dans l’aventure risquée du canon.
Voici ma proposition théorique :
1ère voix : Do Ré Mi Mi Ré Mi Do
2ème voix : Mi Fa Sol Sol Fa Sol Mi
3ème voix : Sol La Si Ré/do Si/La Si Sol (j’espère que c’est clair je ne sais pas écrire les croches)
4ème voix : Do Do Do Do Sol Do Sol
J’ai essayé sur mon bébé clavier (qui n’est pas un clavier pour bébé) et je ne sais pas si j’ai de quoi faire une boum avec ça car je ne sais jouer qu’une voix à la fois. Sniff.
En tout cas, ton article c’est de la bombe 💣
Merci La Rousse pour ta contribution !
La 2ème voix est parfaite
La 3ème voix est chouette, bravo pour ta petite impro dans les aigus et ta façon d’écrire les croches
La 4ème voix est presque parfaite : il faut finir par un do pour boucler la boucle.
Félicitations, merci pour tes blagues qui m’ont éclaté, et envoie un petit gouzigouzi de ma part à ton bébé clavier !
Merci pour cet article Canon! C’est une bonne découverte pour moi. Merci
Merci pour ce retour ! Ce qui compte c’est l’éclate !
Belle façon de comprendre le fonctionnement du canon ! J’ai toujours aimé en chanter avec mes amis de chorale 🙂
Ah, les canons en chorale ! J’adore ! On peut les interpréter de plein de façons différentes ! L’avez-vous déjà fait en vous promenant et en vous mélangeant, avant de revenir à votre pupitre de départ ? C’est génial ! 🙂
Merci infiniment pour cet article éclairant sur la composition des canons ! 😉 Grâce à tes explications claires, je me sens prête à composer mon propre canon, peut-être un peu plus abouti que mes tentatives passées. Ta passion pour la musique est contagieuse !
Merci Jackie pour ton bel enthousiasme ! Méfie-toi : quand on commence, on ne peut plus s’arrêter ! Depuis que j’ai rédigé l’article, j’ai des tas d’idées de canon qui arrivent toutes seules. Moi-même je ne pensais pas que c’était aussi simple ! 😀
J’ai adoré ton article sur la composition d’un canon – c’est comme une recette de cuisine, mais pour la musique !
C’est tout à fait cela ! J’ai toujours utilisé le parallèle avec la cuisine : de bons produits et des recettes simples, quitte à les améliorer ou les transformer! Je suis ravi que l’article t’ait plu !