« Ça dit bien ce que ça veut dire » : voilà une expression qui dit bien ce qu’elle veut dire !
Vous savez, quand le bruit du mot évoque ce qu’il désigne.
Quand un mot « claque » comme un coup de fouet, qu’il « caresse » avec douceur, ou qu’il « sonne » comme un tocsin, au point de se confondre avec ce qu’il représente.
Eh bien cela porte un nom : c’est l’iconicité phonétique : eh oui, certains mots font déjà la moitié du boulot à votre place !
Écrire une chanson, c’est jongler avec les sons et les sens.

L’iconicité phonétique, c’est notre meilleure alliée pour écrire de bonnes chansons !
Et nous, on va s’en servir : je vais tout vous dire !
Quand le mot fait « BOUM »
Allez, pour bien comprendre, voici quelques exemples :
- Une lame qui glisse, un serpent qui siffle, une gifle qui claque, le tonnerre qui gronde…
- Le feu qui crépite, les pneus qui crissent, les dents qui claquent, tandis que le chat feule et que le corbeau croasse…
Vous ne remarquez rien ?
Ici, le mot imite le son, et ce son évoque l’action. C’est une forme de musique naturelle, une poésie du quotidien.
Et vous voulez une bonne nouvelle ? Eh bien en chanson, ça fonctionne à la perfection !
Dans un refrain, n’hésitez pas à donner de la matière en jouant du Big Bang, du crack, du ramdam…
Dans vos couplets, glissez un crissement, un chuintement qui ajouteront de la matière…
Au détour d’un pont, faites-nous entendre un clapotis qui donnera de la sensualité…
Un mot bien choisi, c’est un effet sonore instantané, un décor miniature, un frisson en syllabes.
Mais ce n’est pas tout !
Sens, son et sensation : l’effet 3D des bons mots
Certains mots n’imitent pas vraiment un son réel, mais leur phrasé suggère une ambiance :
- Morne, lente, épaisse : des mots longs, qui traînent, comme s’ils étaient alourdis.
- Vif, sec, tranchant : des mots courts, nets, comme une gifle.
- Fleurir, ruisseler, frissonner, onduler : doux et liquides, ils coulent sur la langue.
Votre oreille d’auteur va apprendre à repérer ces sonorités qui servent l’intention.
Les mots d’une chanson d’amour sonnent souvent d’une façon tendre, quand ceux d’une une chanson de rupture s’appuient volontiers sur des mots qui claquent et qui craquent.
Des codes qui ne demandent qu’à être bousculés d’ailleurs !
Et il n’y a pas que les mots : il y a aussi les expressions ! Lisez la suite.
Les expressions toutes faites : trésors… et pièges
Les expressions courantes aussi sont des mines d’or. Elles regorgent d’images fortes :
- Il tombe des cordes,
- Un silence de plomb,
- Un déluge d’ennuis,
- Avaler des couleuvres,
- Un silence assourdissant…
Enfin… des mines d’or… en apparence !
Parce que là, il faut faire attention à deux travers fréquents :
Premier travers : se croire original
Si vous écrivez “Il pleuvait des cordes” dans un refrain, vous aurez droit à un bâillement poli de l’auditeur. Il l’a entendue mille fois. Même si vous, vous trouvez ça magnifique.
Un exemple ?
Mieux vaut entendre ça que d’être sourd !
Second travers : revenir involontairement à l’expression d’origine.
Alors là, pour passer pour un illettré, il n’y a pas mieux !
Comme écrire par exemple : “Un déluge de pluie s’abattait sur lui”.
Oui… mais un déluge EST une pluie. Donc c’est redondant.
Bonjour le pléonasme en grosses bottes de caoutchouc !
👉 Le bon réflexe : réinventer ces expressions. Déformer, détourner, retourner. Jouer avec. Faites tomber des lianes, des clous ou des regrets. Avalez des boussoles ou des silences. Bref, soyez luthier des images.
Écrire, c’est aussi écouter
Une chose à ne jamais oublier : un mot, c’est d’abord un son. Surtout en chanson !
Alors avant même de chercher une rime, écoutez ce que disent vos mots.
Leur timbre, leur rythme, leur texture.
Et assurez-vous de ne pas faire fausse route avec un mot qui ne sonne pas !
Vous le savez : la chanson, c’est de la langue parlée (voir l’article en lien).
C’est pour cela que nombre d’auteurs écrivent à voix haute, ou en chantonnant leurs brouillons.
C’est une excellente habitude.
Parce que ce qui sonne bien donne de meilleures chansons. Tout simplement.
A titre d’illustration et dans un double contre-emploi, je vous propose de (re)découvrir la poétesse Samantha Barendson, qui « écrit à voix haute », accompagnée par Kent… lui aussi aux crayons !
Attention c’est assez ardu et ça dépasse un peu les limites de la chanson.
Oui mais moi j’adore !
Accessoirement, ce qui sonne bien se retient mieux.
Et pour vos chansons, la mémoire de l’auditeur est votre meilleure alliée.
À vous de jouer !
Allez, je ne vais pas vous laisser repartir sans faire un petit travail (utile!).
Voici un petit exercice simple et amusant à faire en moins de 10 minutes :
Choisissez 3 mots évocateurs dont le son imite l’action (exemples : grincer, claque, lisse/glisse, cliquetis…).
Écrivez une mini-histoire de 4 lignes en intégrant ces 3 mots.
Puis transformez cette mini-histoire en un refrain de chanson : vous gardez le même sens, mais vous rendez les phrases plus « musicales » (jouez sur le placement, le rythme, la répétition, les rimes simples, bref dépatouillez-vous!).

Un petit conseil ? Allez-y mollo quand même :
👉 Trop de mots durs à la suite, et votre texte devient agressif.
👉 Trop de mots doux, et il manque de nerf.
L’idée, c’est de composer une mélodie de sons, en écho à la mélodie des notes.
Option bonus 🎁 pour ceux qui en demandent toujours plus : remplacez un mot banal par une expression imagée détournée.
Par exemple, au lieu de dire « ses larmes », vous pouvez dire un truc du genre « la pluie de ses regrets ».
Comme toujours, vous pouvez publier votre production en commentaire.
En conclusion
Les mots ont des textures, des couleurs, des poids, des sons.
Certains sifflent, d’autres grincent… ou caressent.
Apprenez à les écouter autant qu’à les écrire.
En chanson, vos mots sont des instruments.
Alors à vous de jouer !

Vive les mots, et
Vive la chanson !
Un mot qui *tinte*, un mot qui *éclate* de joie et qui *vrombit* à la lecture de cet article très… Sonore 😉
Merci Ana pour ton commentaire qui se lit avec les oreilles ! 😉
Super article, vraiment inspirant pour travailler la musicalité des mots en écriture. J’ai adoré l’idée de l’iconicité phonétique, ça donne envie de relire ses textes à l’oreille ! Merci pour les exemples, ça rend tout très concret. Hâte de tester l’exercice proposé !
Merci Edouard pout ta lecture attentive : tu as raison, une chanson se « relit à l’oreille ». C’est un parfait résumé !
Ah làlà tout le monde n’a pas le talent de Gainsbourg!! A ce niveau là c’est un réel don qui comme tu nous le montres peut aussi s’enrichir, se developper . Et c’est pour ça aussi qu’apprendre les bonnes bases d’une langue quand on veut la parler c’est essentiel, et qu’aller à l’école c’est pas démodé. ( je parle comme une vieille qui en assez d’entendre des espèces de bruits qui la choquent et qui en plus sont abrutissants! mais j’assume 🙂 )
Ah, que ça fait du bien de lire ça ! Je suis à 100% d’accord avec toi : aller à l’école, c’est pas démodé ! Merci pour ton message plein d’espoir et de bonnes vibrations !
Je joue le jeu ! On va dire que c’est le premier jet d’un brouillon !
« Dans un ronronnement banal
Le chat chuchotait des « tadam »
Et mon stress partait à l’égoût
Car son froufrou disait « tout doux ».»
Hey, bravo ! Ca sonne, ça caresse et ça ronronne ! J’adore ! Merci pour ce joli moment de poésie !
Salut Denis,
Ton article m’a vraiment parlé. J’ai adoré ce passage : « Un mot bien choisi, c’est un effet sonore instantané, un décor miniature, un frisson en syllabes. » Tu montres à quel point le choix des mots peut créer une ambiance et toucher l’auditeur 🙂
Merci Rémi pour ton commentaire ! Les mots des chansons sont comme les notes de musique, au sens propre, puisqu’un mot EST un son. Certains auteurs sont trop centrés sur le seul sens (et d’autres sur le son, comme dans le rap notamment).
Merci pour cet article captivant ! Il met en lumière l’importance de l’iconicité phonétique dans l’écriture de chansons. Les exemples concrets et les conseils pratiques m’ont donné envie d’explorer davantage cette dimension sonore des mots. Une ressource précieuse pour tous ceux qui souhaitent enrichir leur écriture musicale.
Merci Miren pour ton commentaire ! On attend avec impatience tes productions !
Wouah ! quel article et merci pour tous les exemples cités. Ton texte est super inspirant pour moi étant donné que je recherche une musique pour une chorégraphie à réaliser avec ma chienne, un petit défi fou-fou que je me suis lancé. Alors je vais me poser pour faire l’exercice que tu proposes, ca va m’aider à choisir les bons mots, aux bonnes couleurs, tout en douceur et en harmonie avec ma loulou.
« Wouah! »: c’est le cas de le dire ! un vrai et bel exemple d’iconicité phonétique ! Bon courage pour ton beau projet !
Merci pour cet article que j’ai lu un peu comme une poésie. Et tous ces conseils pour éveiller notre créativité. Plus les exercices qui nous guident pas à pas jusqu’aux couplets qui swinguent.
Merci Philippe pour ton commentaire qui me va droit au coeur : un article qui se lit comme une poésie, c’est un vrai compliment !
Cet article m’a réjouie : dans mes ateliers, j’explore souvent les détournements d’expressions, les jeux sonores, les assonances etc. — autant d’astuces qui offrent une autre vie aux mots!
Comme les japonais qui ont la culture des onomatopées, j’aime utiliser ce procédé pour écrire mes haïkus : c’est une excellente façon de condenser, rythmer, insuffler de l’humour à une histoire, tout en créant une langue accessible à tous.
Je suis ravi que tu puisses transposer cet article aux haïkus. C’est un art que je ne pratique que de façon sporadique, mais où, tout comme en chanson, l’économie de mots nous guide vers l’essentiel.
Rien que les mots « iconicité phonétique », j’adore !
C’était un vrai plaisir de lire ton article.
Bien évidemment, comme à chaque fois, je me prête à l’exercice. A force, je progresse, en tout cas je l’espère.
Bon, tu avais bien dit, d’y aller mollo ? Euh…..
tu avais dit quatre lignes….. ben, bon….
Tant pis j’y vais quand même !
(et pour le bonus on repassera).
« Il est gros gras et grossier
s’approche et se glisse
s’insère et s’immisce
Il me susurre des mot salaces
Je souffle, l’air Siffle, gifle,
J’inspire, claque, KO,
Je respire »
Alea jacta est.
Quel programme ! Bravo La Rousse du Bricolage pour ce texte puissant ! Tu es allée bien au delà du simple exercice proposé, c’est génial !
Voici ma mini histoire, j’ai choisi : amour – confiance et lâcher prise.
Il m’a tendu la main, un souffle d’amour,
Le silence entre nous vibrait de confiance.
Un battement d’aile, un frisson lourd,
Et j’ai osé le grand saut du lâcher-prise.
Le Refrain :
Un souffle, un cœur, c’était l’amour
Main dans la main, comme une danse.
Le vent portait nos silences lourds,
Et j’ai plongé… dans la confiance.
Lâcher, glisser, sans résistance,
Le vide m’a pris… en bienveillance.
Merci Fabienne pour ta participation. En revanche, tu as choisi des mots de départ qui ne « disent pas ce qu’ils veulent dire », ce qui a pénalisé tout ton texte. Tu peux essayer à nouveau avec des mots plus porteurs d’iconicité phonétique.