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Le cerveau et le refrain : pourquoi on retient une chanson

Il y a des chansons qu’on oublie à peine entendues.
D’autres nous collent à la mémoire comme le sparadrap du capitaine Haddock.
Pourquoi ce refrain-là, et pas tel autre ?
Pourquoi se surprend-on à chantonner « Alors on danse » ou « C’est moi le maître du jeu » sans même y penser, même si on a déjà oublié les couplets ?

Aujourd’hui, je vous propose une plongée légère mais sérieuse dans la tête de votre auditeur.

Ou plutôt… dans son oreille interne, son cortex auditif, son hippocampe, et tout ce joyeux petit monde qui transforme une suite de mots et de sons en tube intersidéral.

Parés à l’embarquement ?


🧠 Le cerveau adore les refrains… Heu… pas tous !

Il faut bien l’avouer : notre cerveau est un organe un peu paresseux : il aime ce qui est prévisible, structuré, répétitif.
Mais attention, il est un peu capricieux : il déteste s’ennuyer. Il veut être surpris juste ce qu’il faut.

Eh bien ça, c’est exactement le boulot du refrain dans une chanson :

  • Il revient (répétition)
  • Il contraste avec le couplet (surprise)
  • Il rassemble (c’est là que tout le monde chante)
  • Et surtout, il s’imprime dans la mémoire

C’est pour cela que nous, pauvres Auteurs et Compositeurs devons soigner la forme, autant que le fond.


🎵 Une mélodie simple et cohérente

La première règle pour un refrain qui « colle aux oreilles » c’est une ligne mélodique rapide à mémoriser.

Des exemples ?

« Je veux » de Zaz (Zazie à la coécriture) : une montée en gamme quasi enfantine, claire comme une comptine.

« Alors on danse » de Stromae : une ligne presque parlée, répétitive, hypnotique.
oupements, des « blocs » que notre cerveau retiendra mieux. Une mélodie courte, bien découpée, qui s’appuie sur des motifs réguliers (et parfois répétitifs), est plus facile à retenir.

« J’ai demandé à la lune » d’Indochine (et Mickey 3D) : dans une forme « couplet-refrain » une scansion douce, aérienne, qui repose sur un motif très simple. (on appréciera au passage le : « toi et moi, on était tellement Sû-ûrE »).

C’est ce que les neuroscientifiques appellent le CHUNKING : créer des regroupements, des « blocs » que notre cerveau retiendra mieux.
Appliqué à la musique, ça donne une mélodie courte, bien découpée, qui s’appuie sur des motifs réguliers et parfois répétitifs.
C’est plus facile à retenir pour notre cerveau délicat.


🔁 Répétition… avec modération

Oui, il faut répéter. Je vous le répète tout le temps.
Mais pas n’importe quoi !

Un bon refrain : Répète souvent un mot-clé, ou une formule percutante (« Résiste », « Je te promets », « Formidable »…)

Varie subtilement à chaque reprise (ajout d’un mot, modification de la dernière ligne, modulation musicale…)

Mais faisons preuve de modération : trop de répétition tue l’effet.
…seulement voilà : trop peu, et la mémoire fait défaut. !
On n’a pas des vies faciles, je vous le dis !


💬 Des mots qui sonnent

Le choix lexical du refrain est crucial. Non pas pour faire le malin, mais pour chanter de façon naturelle.
De nombreux auteurs amateurs veulent impressionner en utilisant un vocabulaire compliqué.
Mais ils font fausse route !

Les mots efficaces sont :

  • Simples : pitié ! Pas de tournure alambiquée.
  • Chargés d’émotion : l’émotion fixe les mots dans la mémoire.
  • Sonores : les voyelles ouvertes (a, o, é) chantent mieux que les syllabes ternes ou « encombrées ».

🎯 Exemple imparable : dans « Femme Like U », K-Maro répète simplement « Donne-moi ton corps, baby, ton corps… ». Oui, oui, je sais, c’est basique (m’en fous, moi j’adore !).
Mais ça rentre… et ne ressort plus !


🧩 Une structure limpide

On ne retient bien que ce qu’on comprend bien.

Un refrain clair, c’est :

  • Un début repérable (souvent précédé d’un pré-refrain)
  • Un nombre de mesures constant
  • Une rime attendue, bien calée
  • Un rythme régulier, qui permet de taper dans les mains, hocher la tête, ou chanter en chœur

Les tubes anglo-saxons suivent souvent la structure Couplet – Refrain – Couplet – Refrain – Pont – Refrain final.
Comme Ed Sheeran dans « Perfect » (Mouais, « perfect » faut le dire vite, perso je trouve ça pas terrible mais bon, ça fonctionne).

Nous, bons français, nous nous autorisons une plus grande liberté… mais gare au flou !
Un refrain trop long, trop changeant ou mal positionné glissera sur les mémoires comme une gouttelette de rosée sur une flaque de gazole.


🤔 L’intention émotionnelle

Un bon refrain, c’est aussi une émotion forte portée par un propos clair.

C’est lui qui porte l’idée générale de la chanson, mais pas que ! Il doit :

  • Exprimer un sentiment universel (amour, regret, colère, liberté…)
  • Le faire de façon personnelle et singulière
  • Et mettre en mots ce que beaucoup ressentent sans savoir comment le dire

Prenons :« Dégage » de notre Johnny national quoi qu’ultramarin : un seul verbe, une simple vérité, une mélodie saisissante.

« Je suis malade » de Serge Lama : le refrain, théâtral et dramatique, est un cri, un uppercut.


📌 À vous de jouer

✍️ Allez, assez de théorie : On prend 10 minutes pour un petit exercice…
…qui sera peut-être, sinon un tube, du moins une révélation !

  1. Choisissez un thème qui vous inspire une émotion forte : la joie, la peur, la colère, le désir, la nostalgie…
  2. Dites à voix haute une phrase simple (voire même un simple mot) qui exprime cette émotion (ex. : « Tu vas voir », « C’est trop tard », « Dis-moi encore »…) sous forme de gimmick, presque comme un cri.
  3. Trouvez une petite ligne mélodique autour de ce gimmick, sur 2 ou 3 phrases, en chantant à voix haute.
  4. Répétez, ajustez, testez ! Et choisissez toujours l’option la plus simple et la plus directe.!

💡 Quoi ? Vous tenez le refrain de votre prochain tube ? J’en étais sûr !
Mettez-nous donc ça en commentaire !


✨ En conclusion

Sacré cerveau ! Il ne retient que ce qu’il peut chanter, ressentir et structurer dès la première écoute ! Et nous, simples ACI, ne devons pas l’oublier quand nous créons un refrain !
Le refrain, ça n’est pas un « machin », c’est le cœur battant de la chanson.
C’est lui qu’on emporte avec soi, qu’on fredonne sous la douche, qu’on reprend en concert…
Alors il faut le soigner un peu ! Il le mérite, et notre public aussi !

Vivent les refrains inoubliables, et

Vive la Chanson !

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