Holalaaa ! C’est dur d’écrire des paroles !
Hé les amis… et si on écrivait une chanson… sans paroles ?
Ah…
…ça y est, vous vous dites : « Il a encore oublié de prendre son traitement ! »
Non, non, ça existe ! Et en plus, c’est de la chanson à texte !

Lisez ça !
1. Chanson à texte, chanson a-texte !
Avec un « a » privatif !
Il y a des chansons qui littéralement, ne disent rien !
Pas de message, pas d’histoire, pas même de mots construits.
Rien que du rythme vocal, des onomatopées, des soupirs, des syllabes sans queue ni tête…
Et pourtant : ça envoie du pâté !
En voici trois exemples, bien différents :
« La Compapade » de Jacques Dutronc
Voilà une chanson qui sent la fin de répétition « fatiguée » !
Au rythme de son sifflet colonialiste, Dutronc fait un faux chant traditionnel africain, drôle, décalé, et plein d’autodérision.
Bref, c’est du pur Dutronc : classe, moqueur, et malgré tout élégant.
« Yapad Papa » de Claude Nougaro
Là non plus, pas de paroles, juste un délire rythmique scandé, syncopé, bourré d’humour et de jazz.
Nougaro transforme la voix en percussion, en instrument à part entière… avec une chute inattendue à la fin !
Je vous propose de découvrir cette chouette réinterprétation par les mouettes.
« Iberaim » (Mojo Waka – Tribal Trance Mix) de Antoine Tomé
Ici, c’est le corps qui parle dans une approche poétique, où la voix se transforme en incantation tribale, hypnotique.
Antoine Tomé nous ravit depuis toujours avec ses chansons atypiques et ses mots-instruments.
Moi j’adore !
Bon, vous avez vu ? Dans cette première catégorie de chansons, les mots cèdent leur place aux sons.
Et cela n’exclut pas forcément le sens !
Mais il existe d’autres façons de s’affranchir des paroles !
2. Remplacer le texte par un clin d’œil
Quittons le « zéro parole ».
Certaines chansons contiennent bien du texte, mais s’appuient sur… rien !
Là, on mise sur l’ironie, l’absurde ou l’autodérision.
Et ça donne des chansons qui font rire ou réfléchir avec trois mots, un gimmick, une tournure de phrase.
Voici quatre exemples
« Les Élucubrations » d’Antoine
Il ne s’est pas fatigué, Antoine, avec ses blagues de potache aux cheveux longs, avec des rimes approximatives…
et ça donne un texte engagé (mais si!), volontairement creux, révélateur de la volonté d’émancipation des jeunes dans la société guindée des années 60.
Au final, un vrai discours protestataire.
Oh Yeah !
« Vermifuge Lune » de Nougaro
J’ai eu le privilège de croiser le chemin de Nougaro, et il disait avec malice en parlant de « Vermifuge Lune » : « Cette chanson est vraiment con ».
Voici l’histoire : après un concert, ses musiciens et lui regagnaient l’hôtel, passablement éméchés, car comme le disait Claude : « Je connais l’alcool ».
Ils n’étaient pas les seuls à être bien allumés : sur le chemin de l’hôtel, la pleine lune éclairait le pavé. Nougaro s’est alors souvenu de la vieille publicité pour le vermifuge « Lune ».
Et il s’est mis à chanter, en mode « poivrot », le refrain, dans une style « alcolo-jazz ».
Au retour, il en a écrit les paroles.
Ceux qui ont eu des enfants savent que les vers intestinaux se développent à la pleine lune (d’où le nom du produit), tout comme les vers du poète, que Nougaro nous offre en guise de sirop enfantin…
C’est sublime et magnifique, comme l’était Claude.
Bref, Nougaro est un menteur : cette chanson est tout sauf con !
« Wo I Nee » de Évariste
Allez, on revient à des élucubrations :
Evariste (qui est par la suite devenu un scientifique réputé) pond un ovni pop-scientifique où les paroles ressemblent à un cri préhistorique… ou à une équation dadaïste !
Un peu gadget, mais moi je trouve ça rigolo.
« Ho ! Hé ! Hein ? Bon ! » de Nino Ferrer
Nino Ferrer perd tout dans cette chanson, y compris son sang-froid… et ses mots !
Mais pas son groove ni son humour, qui comme toujours sont bien là !
Pour en savoir plus sur les onomatopées en chanson, je vous invite à lire cet article :
« Les mots disent ce qu’ils veulent dire »
Dans cette seconde catégorie de chansons, la rareté du mot devient un ressort comique ou critique. Ces chansons sont des clins d’œil au public, des apartés complices.
3. La chanson répétitive
Enfin, il existe des chansons qui contiennent très peu de paroles, mais qui les répètent en boucle jusqu’à ce qu’elles prennent une force quasi mystique.
L’exemple le plus connu est bien sûr « Here’s To You », mais il y en a d’autres !
« Here’s To You » (Joan Baez)
Ces simples phrases, répétées avec obstination, matérialisent la détermination du propos, tout simplement. On pourrait même dire que le sens finit par dépasser le texte.
Un demi-siècle plus tard, la chanson n’a pas pris une ride. La mélodie de Ennio Morricone, magnifique et poignante, n’y est pas pour rien.
En français, on en a aussi, non mais !
« Je t’aime moi non plus » (Serge Gainsbourg)
Fidèle à son image, Gainsbourg produit un texte minimal, charnel, presque murmuré, dont la répétition crée la tension.
« Rock City » (Bernard Lavilliers)
Cette fois, c’est plus speed !
On est littéralement ligoté et malmené par ce refrain obsédant, qui renforce le côté hypnotique, narcotinoïde, du texte.
Ces chansons montrent que la répétition peut donner du poids aux mots. Le texte devient une sorte d’incantation.
4. Et des chansons sans musique ?
Ah, mais là on est totalement hors-sujet !
Eh bien tant pis ! Je ne résiste pas à la tentation de vous présenter deux chansons où la musique disparait totalement.
« Louxor, J’adore » de Philippe Katerine
Oui, oui, je sais, celle-là, vous la connaissez par cœur !
Ce n’est pas une raison pour se priver de cette chronique sociale sur le dancefloor !
Et en plus, j’adoooore !
« Le silence » (Stella)
Ah, celle-là, par contre, vous ne la connaissiez pas, hein ?
On la doit à Stella Vander, (fille de Maurice et sœur de Christian).
Un texte paradoxal pour cette anti-pop autoprotestataire au caractère bien trempé !
J’adoooore autant que Louxoooor !
5. Un art délicat… à manier avec parcimonie
Bon, voilà le moment de la déception : faire une chanson sans paroles, ou avec très peu de texte, eh bien… heu…
Vous êtes prêts ?
Bon.
Eh bien ça n’est pas plus facile que d’en écrire une bien remplie.
Non. Au contraire.
Cela exige :
- Un sens aigu du rythme,
- Une forte musicalité,
- Une capacité à surprendre.
- Un vrai contenu
- Et surtout, une intention
Et ce n’est pas tout !
Car non seulement c’est un exercice de style, mais c’est forcément un “one shot”, qui sera le petit piment dans un répertoire.
En bref, on ne pourra pas en faire sa marque de fabrique (sauf à passer pour un escroc).

Cela dit… certains auteurs bavards et insipides gagneraient peut-être à tenter l’expérience 😄 .
6. A vous de jouer !
Eh bien voici le moment où le crayon se taille !
Parce que je vous propose d’écrire une chanson sans texte.
Et comme il est dur de ne rien faire, je vous propose deux options.
Variante A :
Vous inventez une ligne mélodique de 8 mesures avec uniquement des onomatopées, des syllabes inventées ou des sons percussifs (ex : “bam-bada boum”).
Variante B :
Vous composez un couplet de 2 phrases maximum, à répéter et mettre en musique. Jouez sur l’intonation, le groove, le silence, les effets de surprise.

🎧 Une astuce (je dis ça, je dis rien) : enregistrez-vous ! Si on comprend l’émotion sans comprendre les mots… vous êtes sur la bonne voie !
N’oubliez pas de partager votre création en commentaire, et/ou de la poster sur le groupe Auteurs-Compositeurs-Interprètes Académie de la Chanson https://www.facebook.com/groups/academiedelachanson .
On y écoute avec les oreilles… et avec le sourire.
En conclusion
« C’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule… ».
Vous vous souvenez de ce film de Jacques Besnard ? Eh bien pour nous c’est l’inverse !
Une chanson sans paroles doit nous dire quelque chose ! Et pas n’importe quoi !
On dit souvent qu’en société, pour avoir l’air intelligent, il suffit de se taire.
Mais pas en chanson ! Se taire oui, mais intelligemment !

Je vous jure, on n’a pas des vies faciles !
Bonne non-écriture, et
Vive la Chanson !
J’ai adoré cet article ! J’y vois même un parallèle avec la méditation = méditer ce n’est pas arrêter de penser, c’est voir défiler nos pensées, les observer et mesurer leur impact dans nos vies. Je pense que le choix de nos mots a une grande importance, mais également un silence bien placé peut également faire passer de grands messages !
Pour ce qui est de la chanson sans parole, évidemment je m’adonne à cet exercice en cuisinant, où je peux inventer des couplets tout à fait adaptés au moment présent haha !
Encore une super idée de chanson, après le ver d’oreille (j’y travaille, promis) et la chanson à texte poétique et évocateur. Quelque chose me dit que la chanson sans paroles est l’apanage des grands, des vrais. Comme tu le dis, ça demande beaucoup de qualités. Un défi magnifique !
Encore pleins de découvertes avec cet article! Notamment la chanson de Stella Vander que je suis dans toutes ses formations (Magma, Offering, etc…). Je m’attendais tout de même à trouver Camille et son titre « TA DOULEUR » , dans sa version karaoké, qui mêle à la fois la répétition d’une même phrase, les sons vocaux et… le clip qui « traduit » de façon absurde les dites vocalises!!! Un bijou!
Merci pour cet article rafraîchissant ! J’ai particulièrement été touché par ton approche de la chanson sans paroles. Tu démontres que la musique peut s’exprimer autrement, en jouant avec les sons, les rythmes et les émotions. C’est une invitation à libérer sa créativité et à explorer de nouvelles formes d’expression musicale 🙂
Oh la la ! Antoine, Nino Ferrer, Joan Baez, Gainsbourg et Birkin… que de souvenirs !
J’avoue que « le silence » de Stella, c’est une pépite, que je ne connaissais pas…
Et dans la liste des chansons sans paroles, je pense qu’on peut en ajouter deux autres :
– Bratisla Boys (Michaël Youn) – Stach Stach
– Vincent Lagaf’ : bo le lavabo
Merci pour cet article… et ces chansons qui m’ont bien fait sourire 🙂