L’écriture a mille visages. Elle peut libérer, surprendre, choquer, inventer…
Et si tous les chemins mènent au stylo, tous ne mènent pas à la chanson. Aujourd’hui, je vous propose une petite cartographie pour y voir plus clair entre écriture de chanson, écriture thérapeutique et écriture automatique.
Trois pratiques, trois intentions… et des frontières qu’il faut bien garder en tête.
Trois écritures vraiment différentes
L’écriture thérapeutique : s’alléger, se libérer
Certains auteurs amateurs pratiquent l’écriture thérapeutique et l’utilisent pour faire des chansons.
L’écriture thérapeutique, c’est celle du journal intime, du carnet secret, de la confession sans filtre.
On y jette ce qui déborde, allez hop : chagrins, colères, angoisses, joies intimes… C’est une écriture-soupape, qui vise le mieux-être. Et ça marche !
Enfin, ça marche… pour se libérer de ses tensions !
Parce qu’en aucun cas ça ne fait de bonnes chansons !
Car elle n’est destinée à personne… parfois même pas à soi-même ! Ou alors plus tard !
Hé non : il manque tout ce qui fait l’essence de la chanson : le partage avec autrui, l’expression d’émotions, l’universalisme, les codes communs…
Il manque aussi aussi les contraintes chansonnières tels que les rimes, le phrasé ou la métrique.

Finalement, en écriture thérapeutique, il n’y a pas de style à s’imposer, pas de forme à respecter : l’important, c’est d’écrire…
Mais la conclusion vient d’elle-même : ce n’est PAS de l’écriture de chanson.
L’écriture automatique : la surprise de l’inconscient
Autre approche chez certains auteurs, l’écriture automatique.
Venue du surréalisme, l’écriture automatique consiste à écrire sans réfléchir (et n’allez pas dire que c’est ce que je fais dans mes articles, hein?).
En écriture automatique, on laisse la plume courir, sans contrôle, sans relecture, sans jugement.
On écrit comme ça, de façon erratique, sans règle ni limite…
Le résultat est souvent étrange, poétique, parfois abscons, mais parfois aussi fulgurant.
Certains coaches s’appuient même sur cette « méthode » pour proposer à leurs élèves de créer facilement.
Bon.

Ça me coûte un peu de contredire mes pairs, mais globalement, ce n’est pas comme cela qu’on fait de bonnes chansons (ou alors sur un gros malentendu!).
Car si l’on résume, l’écriture automatique est une écriture de l’instinct.
Et elle peut parfois offrir des pépites… mais quand cela arrive, c’est toujours un peu par hasard, et sans réelle intention artistique… et surtout, c’est à retravailler ensuite.
Car là encore, aucun des éléments indispensables à une chanson n’est présent, que ce soit sur le plan de l’intention artistique ou sur le plan technique.
La seule exploitation possible consiste à « picorer » d’éventuelles et fortuites étincelles pour le travailler ensuite.
Hum. Pour trouver l’inspiration, on a connu mieux.
L’écriture de chanson : le fond, mais aussi la forme
Et puis il y a l’écriture de chanson proprement dite.
Et là, tout change : Contrairement aux deux écritures précédentes, on écrit pour être écouté, pour être compris, pour être chanté.
Et cela implique des contraintes : le rythme, la rime, la mélodie, la durée, la structure.
Et puis il y a aussi un public. Et donc, une responsabilité.
L’émotion y est bienvenue, bien sûr. Mais elle doit être travaillée, sculptée, rendue partageable.
Il ne suffit pas de dire « je souffre » pour toucher : encore faut-il que l’autre puisse s’y reconnaître.

Et ça c’est du travail. Beaucoup de travail.
Mais comme vous le savez, le talent, ça s’apprend, non ? 😉
Et c’est pour ça qu’on est ici !
Alors, écriture thérapeutique, écriture automatique, on oublie ? Non !
Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Lisez plutôt la suite.
Ce qui relie ces trois pratiques
Pourquoi est-ce que je vous parle de ces types d’écriture s’ils ne nous concernent pas ?
C’est parce qu’il y a des ponts qui relient tout cela !
Nombre de chansons naissent d’une émotion forte (écriture thérapeutique) ou d’un surgissement d’images et de mots (écriture automatique).
C’est même souvent un excellent point de départ.
Mais à un moment, il faut prendre la main.
Structurer. Sélectionner. Réécrire. Le flou doit devenir limpide.
Le cri doit devenir chant.

La chanson, c’est la rencontre du brut et du ciselé.
Piégés par leur nombril !
Le truc, c’est ne ne pas se faire piéger par son nombril !
Quel est le plus gros défaut chez les auteurs débutants ?
C’est de confondre sincérité et repli sur soi.
Ils racontent leur vie et leurs pensées, petites ou grandes, sans se soucier d’intéresser l’auditeur, ni même d’être compris.
Or, la chanson, même très personnelle, n’existe que dans l’écho qu’elle trouve chez l’autre. L’émotion ne suffit pas. Il faut un angle, une forme, une distance — parfois même un détour poétique — pour qu’un ressenti devienne une chanson.

Le public est votre partenaire, pas votre confident !
Il ne faut jamais l’oublier lorsqu’on écrit.
…ni lorsqu’on compose d’ailleurs.
Pour cela, il y a une méthode, des techniques, une approche.
Et c’est ce qu’on travaille ici, justement ! Alors au boulot !
C’est juste en dessous !
À vous de jouer !
Pour apprendre à bien vous positionner, je vous propose un petit exercice pour expérimenter les trois approches :
1. Écriture thérapeutique (10 minutes)
Prenez une émotion forte (récente ou ancienne). Sans vous censurer, écrivez ce qui vous vient. Peu importe la forme, allez au plus direct.
2. Écriture automatique (5 minutes)
Posez votre stylo sur le papier (ou vos doigts sur le clavier) et écrivez sans vous arrêter, même si cela n’a aucun sens. Laissez venir ce qui vient.

3. Écriture de chanson (15 à 20 minutes)
Reprenez une phrase, une idée, une image issue des deux premiers exercices, et commencez à la transformer en couplet ou en refrain. Cherchez le rythme, la musicalité. Imaginez que quelqu’un doit vous écouter… et avoir envie de chanter avec vous.

Et vous pouvez même nous donner votre résultat en commentaire !
En conclusion
Soyez sincère, mais exigeant !
Écrire une chanson, ce n’est ni une séance de psy, ni un exercice d’improvisation surréaliste.
C’est un travail d’artisan sensible :
on part d’un matériau brut, souvent intime,
puis on le polit, on le taille, pour qu’il touche au-delà de soi.

Alors oui, à un moment, il faut savoir « ouvrir les vannes ».
Mais souvenez-vous : une chanson, c’est un cadeau que l’on offre à autrui.
Et pour qu’un cadeau fasse mouche, il faut penser à celui qui le reçoit.
Vive la sincérité, Vive le travail, et
Vive la Chanson !
Merci bcp pour ton article et l’exercice que tu proposes. Je vais le tester en semaine et promis, je le mettrait dans les commentaires. Comme tu dis très bien, une fois qu’on à l’idée et il faut la travailler encore et encore et pensez a ce que les autres aimeraient entendre. C’est un peu comme avec un blog , il fonctionne quand ça parle autres !
Merci Fabienne ! Ce que tu dis est tout à fait juste, et ton formidable blog en est la parfaite illustration !
J’aime beaucoup la manière simple et directe avec laquelle tu nous expliques comment écrire une chanson. Ton analyse est très perspicace et tes conseils feront mouche auprès de ceux qui seront prêts à les tester. Tu ne nous a pas donné la recette magique mais presque !
Ha ! Ha ! C’est normal : la magie, c’est toi qui la possèdes !
Merci pour ton article.
À la maison l’écriture de chanson ponctue régulièrement nos vacances ou les moments festifs.
Un moyen pour garder en tête les bons moments passés ensemble et nos découvertes.
Ce que tu dis est formidable ! Savoir transcrire en chanson de beaux moments partagés est un talent précieux ! Bravo à toi !
Mais c’est vrai ça! sans aller jusqu’à vouloir créer un tube, on peut créer ainsi ses propres chansons! Merci pour ces inspiration!
Créer des chansons n’est pas si difficile, et méfions-nous : les tubes sont souvent des chansons toutes simples sur lesquelles les auteurs eux-mêmes n’avaient pas misé ! 😉
J’ai eu un petit coup de chaud en m’imaginant que tu allais jeter le bébé avec l’eau du bain 😅. Mais ravie de voir que, au contraire, on peut partir de l’émotion et de l’instinct pour construire une chanson dans les règles de l’art. Et c’est vrai que l’art demande de quitter son nombril mais aussi de mobiliser des outils et de l’énergie pour dépasser le « plaisir de ». Je vais faire moi aussi les 3 exercices !
Le nombril de l’auteur, c’est un vrai problème dans pas mal de chansons ! 😀 D’ailleurs, c’est un sujet tellement universel que j’ai un embryon de chanson là-dessus : « mon percing au nombril » 🙂
J’adore l’idée d’écrire des chansons pour se soigner. Merci pour cette belle idée !
Merci Flore ! L’écriture thérapeutique est développée dans le passionnant blog de Olivia Quetier, que tu connais sans doute.
Ton article m’a vraiment éclairé sur les différences entre écriture thérapeutique, automatique et de chanson. Le passage où tu dis : « Il ne suffit pas de dire “je souffre” pour toucher : encore faut-il que l’autre puisse s’y reconnaître » m’a particulièrement marqué. Ça rappelle que pour émouvoir, il faut transformer l’intime en universel. Merci pour cette clarté et ton ton bienveillant 🙂
Merci Rémi pour ton commentaire. Le passage que tu soulignes est effectivement un aspect essentiel de la création de chanson. Je pense même que je vais faire un article pour le développer. 🙂
Article super clair qui permet de bien comprendre les enjeux d’une chanson en plus de distinguer écriture thérapeutique et automatique!
Merci Sylvie pour ton gentil commentaire ! Si j’osais, j’y ajouterais « et de les mettre en lien avec l’écriture de chanson proprement dite ».
Merci pour ton article et les exercices proposés. ça aide vraiment à rester productifs et surmonter les blocages
Merci pour ton retour ! Dans le cas présent, faire les exercices permet non seulement de bien identifier les différents types d’écrits, mais aussi de voir comment les mettre en connexion pour créer ses chansons. 🙂
Merci pour cette nouvelle étape dans l’apprentissage des règles de l’art, lorsqu’on veut créer des chansons qui « marchent », qui touchent un public ! J’ai eu peur au début que tu « jettes le bébé avec l’eau du bain »😅, alors que c’est tout le contraire. Je vais tâcher d’appliquer les 3 étapes que tu conseilles dans ma prochaine chanson ! (je vais finir par créer une chaîne youtube avec tous ces exercices très utiles et « game changers » !)
Merci Eva pour ton commentaire. A titre personnel, je n’utilise ces techniques que de façon occasionnelle, lorsqu’elles correspondent vraiment à ce que j’ai envie d’exprimer dans mes chansons. Mais la plupart du temps je prends mon bain sans inviter bébé ! 😉
Merci pour cet article très clair et bien présenté qui donne envie de pousser la chansonnette et de se lancer dans l’exercice proposé!
L’article nous donne un mode d’emploi simple pour s’exercer à écrire le texte d’une chanson. Pour la musique, c’est une autre histoire!
Merci Bénédicte pour ton sympathique commentaire, mais ne te laisse pas impressionner : la musique, c’est beaucoup plus simple que ça en a l’air, tu verras !
Intéressant cette distinction entre les trois types d’écriture tout en montrant leurs liens possibles. Ton approche concrète donne vraiment envie de s’y mettre. Merci pour cette belle source d’inspiration.
Merci Jeanne pour ton retour ! C’est vrai qu’il y a souvent une confusion (y compris chez les auteurs eux-mêmes) entre les types de création de paroles.
Merci pour cet article de qualité encore une fois 🙂 J’ai un grand mal à composer je vais m’aider de cet exercice que tu donnes. Est-ce que tu as des méthodes pour créer des toplines (refrain mais aussi couplet) ? Car j’ai un peu de mal à les construire. Merci d’avance 🙂
Heu… c’est quoi des toplines ? 😀
Excellent ! J’aime que tu rapelles que la chanson devient célèbre quand elle toute en écho ce que vivent les potentiels auditeurs. C’est une chose que JJ Goldman a hyper bien compris. ceci explique cela !
C’est vrai que Goldman a un approche altruiste et généreuse dans sa façon d’écrire et dans les thèmes qu’il aborde. Cela conjugué à son talent, il ne peut que nous toucher !
J’ai déjà fait l’exercice que tu proposes, moi qui suis aussi auteur, compositeur et interprète. Je valide totalement la puissance de ce phénomène. En le faisant, j’ai découvert une chanson que j’avais composée en réalisant, en pleine conscience, qu’elle ne venait pas uniquement de moi. C’était comme si j’avais été guidé de l’extérieur, comme si j’avais été placé en position de récepteur, co-compositeur. Une sensation énorme, profonde, et profondément épanouissante.
Bravo pour l’idée de l’exercice.
J’adore la sensation que tu décris, et qu’on pourrait appeler… l’inspiration ? Même si le lumineux Thomas Edison affirmait que « Le génie c’est 1% d’inspiration et 99% de transpiration », il y a parfois des moments de grâce ! 🙂
J’ai adoré ta liste de variantes d’écriture, allant du domaine thérapeutique à l’écriture de chansons. C’est vraiment inspirant. Merci !
Merci Dieter ! Les différents types d’écriture se rejoignent, mais il est important de savoir les distinguer pour ne pas faire fausse route.
Merci Denis pour ton article, à la fois inspirant et structurant.
Deux phrases m’ont particulièrement parlé, en tant que prof.
D’abord, « sois sincère mais exigeant ». C’est exactement ce que j’essaie de transmettre à mes élèves : l’importance de rester vrai, sans jamais lâcher sur la rigueur. L’émotion a besoin de justesse pour toucher, et tu résumes ça parfaitement.
Et puis : « Le public est ton partenaire, pas ton confident ! »… Quelle belle formule ! Elle remet à sa juste place la relation scène/salle, ou auteur·rice/lecteur·rice. On n’écrit pas pour se déverser, mais pour partager. Ça, c’est une clé précieuse que je vais garder bien en tête dans mes ateliers.
Merci pour cette mise en mots juste, sincère… et exigeante !
Merci Lison pour ton commentaire. Je vais prochainement développer le sujet qui a été effleuré dans cet article : le nécessaire décentrement de l’artiste-artisan qu’est l’auteur, s’il veut trouver son public.
Merci pour cet article très clair ! J’ai particulièrement apprécié la manière dont tu soulignes que, bien que ces pratiques puissent servir de point de départ, elles nécessitent un travail de structuration pour aboutir à une chanson aboutie. Tes conseils sont précieux pour ceux qui souhaitent transformer leurs écrits personnels en œuvres musicales partageables. Merci c’est vraiment éclairant !
Merci Miren. On voit bien, à la lecture de certaines paroles de chanson que si l’inspiration est là, il manque une bonne partie de la phase « transpiration ». A l’inverse, certaines chanson besogneuses « sentent un peu trop la lampe ».