ADAPTER UNE CHANSON ANGLAISE en FRANÇAIS

Ah ! Vous l’aimez trop, cette chanson anglaise ! Et depuis que vous l’avez écoutée, vous vous dites que ce serait génial d’en faire une version française.
Surtout que, comme dit l’adage, « Le public adore découvrir ce qu’il connait déjà », et que ce serait une bonne façon de faire découvrir vos paroles !
Seulement voilà : comment s’y prendre ? Ca n’est déjà pas si facile de faire une création en français, alors une… une… une quoi d’ailleurs ?
Traduction ? Adaptation ?
Et puis, au niveau des droits comment ça se passe ?
Eh bien come on, baby : je vous dis tout !

1️⃣ Traduction ou Adaptation ?

Alors, de quoi on parle ? Parce qu’il existe plusieurs façons d’adapter une chanson étrangère.
Voici les 4 principales :

1. La traduction

La traduction, c’est quand le texte original est fidèlement réécrit en français, de façon littérale, en conservant le sens, les idées. On s’en sert surtout pour comprendre une chanson, mais pas pour l’adapter, sauf si le message est primordial.

Blowing In The Wind…
…et sa traduction (presque) littérale.

Un exemple plutôt réussi est « Blowin’ in the Wind » de Bob Dylan, reprise en français par Richard Anthony. Mais bon, c’est une exception…
Car globalement, si la démarche est honnête, il faut admettre que le résultat est rarement convaincant.


2. La contrefaçon phonétique

Là, c’est l’inverse : La contrefaçon phonétique (ou version phonétique), c’est quand on conserve la sonorité des paroles originales en les remplaçant par des mots français qui en imitent les sons.
Le sens, quant à lui, n’est pas pris en compte.
On s’en sert dans deux cas.

1. Premier cas

Traduire un tube où la mélodie et le rythme des paroles sont indissociables de son succès. C’est le cas pour « Video Killed The Radio Star » devenu « Dites-moi qui est ce grand corbeau noir ».

Les radio stars arrivent à 0:51
Le corbeau se pointe à 0:41

Avec un Ringo un peu pathétique qui joue du piano sur une guitare ! Voilà ce qui arrive quand on s’affranchit du sens ! 😆

2. Deuxième cas

La parodie. Comme dans « Lune froide » où Patrick Bouchitey nous livre des versions très personnelles de…

You Really Got Me…
… Let It Be !

3. La réécriture libre

Souvent, vous verrez la formule « création originale sur une mélodie existante« .
Ca, c’est le truc des fainéants ! Quand on écrit des paroles sans aucun lien avec le sens ou la sonorité de l’original.
Dans ce cas, la mélodie sert simplement de support-prétexte à un nouveau texte, qui peut aborder un thème totalement différent.
C’est une pratique fréquente dans les reprises « covers » où l’artiste souhaite s’approprier à bon compte une mélodie célèbre pour en faire une œuvre personnelle.
Une démarche peu intéressante à mon avis.

4. L’adaptation

L’adaptation enfin consiste à conserver l’esprit, le thème ou l’émotion de la chanson originale, mais en réécrivant les paroles de manière plus libre pour qu’elles sonnent naturellement en français.

On adapte les images, les références culturelles et parfois même la structure des phrases pour coller à la mélodie et au public cible.

On adapte également le son, comme dans la méthode « phonétique ».

C’est cette méthode qui est utilisée pour les reprises francophones de tubes internationaux.
Et bien sûr, c’est celle que nous allons étudier aujourd’hui.


2️⃣ Comprendre l’essence de la chanson

La première chose à faire, c’est d’écouter !
Mais écouter vraiment : L’esprit de la chanson, son style, l’émotion qui domine, les petits gimmicks qui vous accrochent l’oreille…
Ca fait pas mal de choses, hein ? Bon, en compensation, dites-vous que vous n’avez pas à chercher un thème pour écrire : c’est livré avec l’original !

L’original par Sir Mc Cartney…
…et l’excellente adaptation de Ache !

Mais ce n’est pas tout : il vous faut maintenant lire attentivement le texte anglais : les images, les mots symboliques, les moments-clés du récit. Il faut tout comprendre avant d’attaquer. D’ailleurs, gardez bien le texte, il va nous servir à l’étape suivante !

Car votre version devra garder l’intention artistique du morceau, même avec des mots différents.


3️⃣ Compter les syllabes

Allez, maintenant on attaque la technique pure !

En chanson, chaque « syllabe » occupe une note.

Tel un tricheur au casino, on va compter en douce !

Reprenez le texte original, on va…

1) Compter les syllabes et les numéroter

Exemple avec Yesterday des Beatles :
« Yesterday »
« All my troubles seemed so far away »

Qui deviendra :
« 1 2 3 »
« 1 2 3 4 5 6 7 8 9 »

2) Repérer et souligner les points d’appui de la mélodie :

On reprend Yesterday des Beatles :

« Yesterday »
« All my troubles seemed so far away »

va devienir :
« 1 2 3 »
« 1 2 3 4 5 6 7 8 9 »

4️⃣ Repérer la structure

A présent, occupons-nous du propos et de son articulation logique :

De quoi parle le refrain ?
Quel est le thème de chacun des couplets ?

Mais ce n’est pas tout : dans la chanson, repérez l’intention :
– une montée d’émotion
– un message clé
– un slogan mémorisable
– une chute marquante

Ces éléments devront se retrouver au même endroit musicalement dans votre version française.
Votre adaptation doit suivre le même fil narratif.

Enfin, vous allez d’ores et déjà mettre au propre le plan de la chanson.


5️⃣ Placer les balises

Si vous êtes un adepte de l’Académie, vous connaissez les « paniers de mots » (sinon, allez voir les articles qui détaillent cette technique).
Ici, on va travailler dans le même esprit, et avec une approche phonétique :
Sur les temps forts repérés plus haut (les points d’appui que nous avions soulignés), on va chercher des mots qui « sonnent » comme l’original, tout en préservant le sens.
On peut d’ores et déjà les placer comme des balises sur le texte.

Un exemple magnifique est, dans « Hier encore« .
Hier, encore ???
Oui, c’est le gimmick de l’article, vous avez remarqué ? 😁
Cette fois on parle « Hier encore », magnifique chanson de Charles Aznavour, et de sa version anglaise.
Il traduit « Hier encore » par « Yesterday » Simple et lumineux !
Même appui, même première syllabe, même sens. Tout y est !
Même si cette fois, la version française a précédé la version anglaise.

En anglais…
…en français.

Le placement de ces balises sonores est une étape importante, car comme vous le savez, en chanson, le son des mots est primordial.


6️⃣ Garder quelques mots anglais ?

En voilà une bonne idée : on peut préserver certains mots emblématiques.
Des exemples ?
Let it be
Reggae night
Twist and shout

Ces mots véhiculent un son, une culture, une identité.
Bien placés, ils garantissent la fidélité à l’œuvre tout en donnant de l’air à l’écriture. C’est une forme de respect, tant pour l’œuvre que pour vos auditeurs, qui apprécieront de pouvoir retrouver leurs repères.


7️⃣ Rédiger en respectant les accents toniques

Vous voici enfin dans votre rôle d’auteur !
Écrivez plusieurs essais, testez en chantant. À haute voix. Toujours.
L’accent tonique doit tomber sur les temps forts de la mélodie.
Le texte doit « rouler » tout seul : si vous butez, c’est que ça ne marche pas encore.

Hein ? Si c’est douloureux ? Absolument ! 😄


8️⃣ Ne pas oublier le droit !

Ne vous retrouvez pas dans la situation d’un de mes amis qui a dû renoncer à mettre sur son disque un titre pourtant magnifiquement enregistré !
Avant toute exploitation (studio, scène, YouTube…), vérifiez vos droits ! Car…

📌 Une adaptation nécessite l’autorisation des ayants droit.
Même si votre texte est meilleur que l’original — si, si, ça peut arriver — il n’est pas à vous seul.
Quant à la musique, vous ne pouvez pas l’exploiter sans autorisation.

Vous devez donc contacter la SACEM (ou équivalent selon les pays) pour préciser quel est votre projet.

Naturellement, si votre œuvre n’est destinée qu’à un cercle restreint, vous pouvez faire l’impasse sur cette étape.


9️⃣ 🎧 À vous de jouer !

Une fois n’est pas coutume, on va jouer (presque) juste pour le plaisir !
Voici votre mission :

➡️ Prenez une formule anglaise, et inventez sa transcription française.
Celle-ci doit « sonner » comme l’original, mais avec des mots et un sens français.

Quelques exemples ?
« Are you ready ? » qui devient « Ail ou radis ? »
ou « Give me some money » qui devient « Guy vomit sous mon nez »
ou encore « Of course » qui devient « œuf corse ».

N’oubliez pas de publier votre trouvaille en commentaire.
Evidemment, si c’est un titre de chanson, c’est encore mieux !


🔟 Avant de se quitter

Je vous rappelle que vous pouvez rejoindre le groupe facebook des Auteurs, Compositeurs et Interprètes francophones de l’Académie de la Chanson. Il suffit de cliquer ici.

Vous pourrez y retrouver nos articles, publier vos oeuvres, échanger, et trouver des conseils.


En conclusion

Ecrire des paroles françaises sur une chanson anglaise, c’est à la portée de n’importe qui.
Faire une adaptation, c’est une autre histoire !
Cela demande de la technique, du travail, et cela relève davantage de l’artisanat que de l’art. Les contraintes sont nombreuses, et le travail difficile.
Mais quelle belle récompense quand vous avez une chanson qui se démarque un peu du reste de votre répertoire. Et votre public vous sera toujours reconnaissant de « lui avoir fait découvrir ce qu’il connaissait déjà » ! 😉

Let the good times roll, et

Vive la Chanson !

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2 réponses à “ADAPTER UNE CHANSON ANGLAISE en FRANÇAIS”

  1. Avatar de Rémi

    Ton article m’a vraiment parlé — c’est une belle façon de rendre accessible un exercice souvent perçu comme difficile : adapter une chanson anglaise en français.

    Le passage qui m’a marqué : « Traduire une chanson, ce n’est pas simplement remplacer des mots — c’est recréer l’émotion, la musicalité, le sens. »

    Tu réussis à expliquer que l’essentiel n’est pas la traduction littérale, mais la justesse du rythme, des rimes, et du ressenti — ça rend l’idée motivante, simple et humaine. Merci pour ce partage qui donne envie de se lancer 😉

  2. Avatar de Grégoire

    J’ai essayé d’appliquer ça à la reprise par Eileen de These boots are made for walking (Nancy Sinatra) ! Je dirais que c’est une adaptation 🙂
    Je pense également que l’époque influence les choix de l’artiste pour les paroles. Si on adaptait cette chanson aujourd’hui, les paroles seraient complètement différentes ! (Ca pourrait être un bon exercice d’ailleurs ! )
    Bonne continuation 😉

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