En 1967, une chanson va marquer l’histoire mondiale de la chanson.
Une chanson composée à la hâte, refusée plusieurs fois, puis remodelée par une idole de l’époque, pour devenir un des titres les plus repris au monde : près de 1500 reprises « officielles » dans toutes les langues !
Un titre qui, un bon demi-siècle plus tard, génère toujours plus d’un million d’euros de royalties chaque année !
Pourquoi un tel succès ? On vous dit tout !
Avec en prime plusieurs versions, mais attention :
Certaines font un peu saigner les oreilles !
Je vous aurai prévenu !

Mais tout de suite, les paroles !
Les paroles de « Comme d’habitude » de Claude François
COUPLET 1
Je me lève
Et je te bouscule
Tu ne te réveilles pas
Comme d’habitude
Sur toi je remonte le drap
J’ai peur que tu aies froid
Comme d’habitude
Ma main caresse tes cheveux
Presque malgré moi
Comme d’habitude
Mais toi tu me tournes le dos
Comme d’habitude
COUPLET 2
Et puis je m’habille très vite
Je sors de la chambre
Comme d’habitude
Tout seul je bois mon café
Je suis en retard
Comme d’habitude
Sans bruit je quitte la maison
Tout est gris dehors
Comme d’habitude
J’ai froid, je relève mon col
Comme d’habitude
REFRAIN 1
Comme d’habitude
Toute la journée
Je vais jouer à faire semblant
Comme d’habitude
Je vais sourire
Comme d’habitude
Je vais même rire
Comme d’habitude
Enfin je vais vivre
Comme d’habitude
COUPLET 3
Et puis le jour s’en ira
Moi je reviendrai
Comme d’habitude
Toi tu seras sortie
Et pas encore rentrée
Comme d’habitude
Tout seul j’irai me coucher
Dans ce grand lit froid
Comme d’habitude
Mes larmes je les cacherai
Comme d’habitude
REFRAIN 2
(mais) Comme d’habitude
Même la nuit
Je vais jouer à faire semblant
Comme d’habitude
Tu rentreras
Oui, comme d’habitude
Je t’attendrai
Comme d’habitude
Tu me souriras
Oui, comme d’habitude
REFRAIN 3
Comme d’habitude
Tu te déshabilleras
Comme d’habitude
Tu te coucheras
Comme d’habitude
On s’embrassera
Comme d’habitude
REFRAIN 4
Comme d’habitude
On fera semblant
Oui, comme d’habitude
On fera l’amour
Oui, comme d’habitude
On fera semblant
Comme d’habitude
Comme d’habitude
On fera semblant
Oui, comme d’habitude…
Carte d’identité de « Comme d’habitude » de Claude François
Titre : Comme d’habitude
Année : 1967
Auteurs : Gilles Thibaut / Claude François / Jacques Revaux
Compositeurs :Claude François / Jacques Revaux
Durée : 4:08
L’histoire de « Comme d’habitude » de Claude François
Des vacances à la coule
On est en février 1967, à Megève, hôtel Canada ».
Jacques Revaux, jeune compositeur en vogue, profite de ses vacances à la neige, jusqu’au moment où… Oups ! il réalise qu’il avait promis 4 musiques au producteur Norbert Saada.
Sauf qu’il n’a toujours pas écrit une seule note !
Une idée tordue
L’idée de Saada, c’était de faire enregistrer des chansons à Londres sans mentionner qu’elles étaient « bien d’chez nous ».
Puis de les ramener en France pour les proposer à des artistes avec une étiquette « MADE IN ENGLAND », voire « MADE IN USA ».
Et enfin d’en faire une soi-disant adaptation française pour vendre en France.
Un peu tordu, mais terriblement vendeur !
Boulot-dodo
Bon, en attendant, les chansons, Jacques Revaux ne les a pas !
Panique ? Pas vraiment.
Revaux prend sa guitare, s’allonge sur son lit, et en deux heures chrono, voilà les 4 titres composés !
Parmi elles, une certaine « For Me » avec, comme il se doit, un texte en anglais.
Personne n’en veut !
Les titres sont enregistrés à Londres comme prévu.
Revaux, son enregistrement londonien sous le bras, propose sa mélodie à plusieurs artistes : Michel Sardou, Mireille Mathieu, Hugues Aufray… et même un certain Claude François, qui reproche au passge à Revaux de ne pas composer pour lui !
Mais personne n’en veut !
Finalement, c’est Hervé Vilard qui la prend, pour boucher la face B d’un futur 45 tours.
Revaux l’a un peu mauvaise, mais c’est ça ou rien.
Clo-Clo en panne d’électricité
Pendant ce temps, non loin de là…
…Claude François est en pleine rupture avec France Gall, après trois années d’un amour aussi explosif qu’intense.
Claude François dira lui-même “Notre amour était comme la foudre de l’orage, zébré d’électricité « .
Hum, il y a comme un truc prémonitoire, non ?

Mais la vie continue…
…et le 27 août 1967, Revaux qui ne lâche pas l’affaire pour sa fameuse chanson, rend visite à Claude François au Moulin de Dannemois.
Trois fois de la M… !
Il propose de nouveau la chanson à Claude François, qui lui dit (je cite les propos de Jacques Revaux) « Allez, joue-moi ta merde ! ». Et d’une !
Revaux met sa galette londonienne sur l’électrophone… mais Claude François dit : « Bon écoute, ça me dit rien… joue moi ta merde à la guitare ! ». Et de deux !
Retour au bord de la piscine, guitare en main…
Et Claude François de passer la troisième couche (si j’ose dire !) : « Merde, ça va pas ». « Parce que j’ai écrit un texte l’autre jour, mais ça colle pas. » Et de trois !
Le texte en question, c’est « Comme d’habitude », un texte qui parle de sa rupture récente avec France Gall.
Seulement « comme d’habitude », ça fait 5 pieds, quand « For Me » en fait deux.
Comme dirait Claude François : Merde !
Travail au bord de l’eau
Mais ça, pour Revaux, c’est de la gnognote ! Au bord de la piscine, en compagnie d’un guitariste et d’un auteur, tout le monde se remet au travail : quelques notes en plus pour le refrain, quelques modifications dans le texte, un nouveau pont signé Clo-Clo, et voilà la chanson finie… et co-signée !
Le détail qui fâche
Ha oui, il y a quand même un petit détail qu’on a oublié… c’est qu’entretemps Hervé Vilard avait accepté la chanson, vous vous souvenez ?
Bon ben on va lui expliquer que c’est plus possible, hein ?
C’est qui qui s’y colle ?
L’histoire ne le dit pas !

Une flèche qui fait un carton
Claude François inaugure avec « Comme d’habitude » son label « Flèche », la maison de disques qu’il vient tout juste de créer.
Et pour un coup d’essai, c’est un coup de maître ! Car dès février 1968, le titre cartonne en 3ème place du hit-parade avec plus de 200 000 exemplaires vendus.
Et comme on le sait, l’histoire est loin d’être finie !
L’invité surprise
A propos, vous vous souvenez que le texte original était « For You ». Savez-vous quel est l’auteur inconnu qui avait pondu ce texte ? Non ?
Allez, je vous aide : c’est lui sur la photo.
Toujours pas ?
Eh bien c’était un gamin d’à peine 18 ans répondant au nom de David Bowie !
Il a touché 800 francs (environ 120 euros) pour l’ensemble des 4 titres !

My Way
Quant à la version anglaise immortalisée célèbre par Franck Sinatra, et qui donnera un destin planétaire à la chanson, on ne la doit pas à David Bowie, mais à Paul Anka, qui au passage est revenu à la version originale du thème musical de Jacques Revaux !
Les reprises
La suite est une interminable liste de reprises dans toutes les langues. J’en ai mis quelques-unes dans cet article (en privilégiant les versions françaises).
Pour une chanson créée au ski et au bord d’une piscine, c’est pas mal…
La recette de « Comme d’habitude » de Claude François
Côté paroles
Cette chanson a deux caractéristiques, et toutes deux concernent le refrain…
…plus un GROS problème, toujours dans le refrain !
Un refrain « épiphore »
Dans les couplets, on trouve une forme particulière de vrai-faux refrain en fin de vers : c’est le fameux « Comme d’habitude » qui rythme le propos. Il crée une répétition obsédante qui enferme le personnage dans son destin. Cette technique est très efficace.
Un refrain à géométrie variable
Quant au « vrai refrain », qu’on reconnait à ses entames de phrases « comme d’habitude », il est mouvant.
Autrement dit, il ne répète pas toujours la même chose d’un refrain à l’autre : ses paroles évoluent tout au long de la chanson, entrainant un peu plus le couple vers son destin.
C’est une technique moins courante, qui permet de ne pas casser a dynamique du propos tout en mettant des balises fortes.
Le GROS problème du refrain
Ce n’est pas une blague : il y a une énorme erreur d’écriture dans le premier refrain, qui fait que personne ne comprend rien.
Claude François dit « enfin je vais vivre ». Et le phrasé fait que l’on comprend « Je vais enfin pouvoir vivre ». Mais c’est un contresens absolu : car il veut dire exactement l’inverse !
En réalité, il veut dire : « Enfin bref : je vais vivre… » en parlant de la monotonie de sa journée ordinaire, « comme d’habitude ».
Le résultat, c’est que tout le monde comprend à l’envers cette formule, qui résulte d’une grave maladresse dans le texte.
Côté musique
En terme de structure, cette chanson est un cas d’école !
En effet, on a une très nette identification du couplet et du refrain, lesquels contrastent et se relancent !
Les couplets
La mélodie est stable (ne monte ni ne descend) avec juste une légère descente en fin de phrase, qui appuie le propos statique en « en pente douce » du texte.
Cet aspect « lisse » est typique d’une mélodie de couplet.
Les refrains
Là, c’est l’envolée : la mélodie monte, décolle, nous emmène avec elle.
Typique d’un refrain.
Un cas, d’école, je vous dis !
A vous de jouer !
Je vous propose de tenter de gagner un million d’euros par an !
C’est tout simple, vous verrez !
Pour cela, vous allez simplement utiliser la recette de « Comme d’habitude », en suivant ces trois étapes.

1. Des paroles épiphores.
Trouvez un thème en quelques mots comme « à bicyclette » ou « J’ai l’habitude » ou « Pas toi »… vous voyez ce que je veux dire 😉
Ces quelques mots seront le gimmick qui concluera les vers de votre couplet, en lui donnant son rythe et son sens.
Ecrivez un quatrain en respectant cette règle.
Et si vous ajoutez élégamment une petite rime avant l’épiphore, c’est encore mieux !
2. Une musique structurée
Inventez deux thèmes mélodiques simples qui s’enchainent.
Le premier, le couplet, est stable et linéaire
Le second, le refrain, « décolle » vers les aigus
C’est beaucoup plus facile que vous ne l’imaginez !
Essayez, vous verrez !
3. Une bonne gestion
Ouvrez un compte en banque spécial pour placer vos royalties et veillez à ne pas tout dépenser trop vite.
Avant de se quitter
Je vous rappelle que vous pouvez rejoindre le groupe facebook des Auteurs, Compositeurs et Interprètes francophones de l’Académie de la Chanson. Il suffit de cliquer ici.

Vous pourrez y retrouver nos articles, publier vos oeuvres, échanger, et trouver des conseils.
En conclusion
Une nouvelle fois, on se rend compte que ce ne sont pas toujours les chansons les plus travaillées qui fonctionnent le mieux.
Hum… sauf qu’en amont, il y a d’une part une histoire sincère, et d’autre part une grande expérience.
Et qu’en aval, il y a une stratégie marketing qui ferait passer Elon Musk pour un enfant de choeur…
…choeur, vous dites ?
Vivent les vraies fausses chansons françaises anglaises, et
Vive la Chanson !








Ah! Comme d’habitude! J’adore cette chanson que je connais par coeur et que j’entonne avec joie dès qu’elle passe à la radio! J’avais en tête que Cloclo avait enregistré une version anglaise et qu’il s’apprêtait à conquérir le monde anglophone au moment où il est décédé, en 78. Je me trompe ou F. Sinatra n’a fait « que » reprendre la version anglaise de Cloclo? (ce qui n’enlève en rien le mérite de F. Sinatra bien sûr!)